Paul-Jean TOULET
Il aura fallu que je vienne habiter Pau et le Béarn , que j'y découvre l'existence d'une statue au Parc Beaumont, plus tard , d'un lycée portant son nom, qu'à l'occasion enfin , de la reprise d'études, je me familiarise avec ce poète.
Paul-Jean Toulet nait à Pau en 1867; dandy aisé et désoeuvré, il voyage puis se fixe à Paris. Homme du Boulevard , d'une société qui épuise ses derniers feux , Toulet ne fréquente ni Montmartre , ni Montparnasse; l'opium lui donne d'euphoriques rêveries mais non la connaissance par les gouffres . Il passe, sans les comprendre , à côté des mutations qui agitent le XX° naissant. Il reste étranger au cubisme , ainsi qu'aux manifestations de l'avant-garde littéraire , il s'enferme dans une prosodie des plus précises et ne veut voir dans l'art des vers qu'un aimable divertissement.
C'est en cela qu'il sera un des chefs de file du mouvement Fantaisiste . (Tristan Derème, Francis Carco , Pellerin et Vérane) Malade , il revient dans sa région en 1912 pour y mourir , à Guéthary , en 1920. Il ne verra pas éditer le livre auquel il tenait sans doute le plus, les "Contrerimes" publiées en 1921.
"les Contrerimes " , alternent l'impertinence :
"Ciel ! Isadora Duncan
Va danser . Fou...ons le camp"
la tendresse, le désenchantement ,
la virtuosité du langage,
l'émotion, l'illusion de l'amour,
la caricature, le détachement, l'impression fugitive.
Toulet n'a pas fait école,
mais sans lui quelque chose manquerait probablement
à la constellation poétique de ce siècle
Contrerimes
quelques poèmes
*
Toute allégresse a son défaut
Et se brise elle-même.
Si vous voulez que je vous aime,
Ne riez pas trop haut.
C'est à voix basse qu'on enchante
Sous la cendre d'hiver
Ce coeur, pareil au feu couvert,
Qui se consume et chante.
*
Pâle matin de Février
Couleur de tourterelle
Viens, apaise notre querelle,
Je suis las de crier;
Las d'avoir fait saigner pour elle
Plus d'un noir encrier...
Pâle matin de Février
Couleur de tourterelle.
*
L’hiver bat la vitre et le toit.
Il fait bon dans la chambre,
À part cette sale odeur d’ambre
Et de plaisir. Mais toi,
Les roses naissent sur ta face
Quand tu ris près du feu...
Ce soir tu me diras adieu,
Ombre, que l’ombre efface.
Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs,
Et ma mie, et l’air du pays :
Que mon cœur était aise.
Ah, les vignes de Jurançon,
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson ?
Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
À l’heure où Pau blanchit au loin
Par delà les prairies ?
*
Au détour de la rue étroite...
S'ouvre l'ombre et la cour
Où Diane en plâtre, et qui court
N'a que la jambe droite.
Là-bas sur sa flûte de Pan,
Un Ossalois nous lance
Ces airs aigus comme une lance
Qui percent le tympan,
Ô Faustine, et je vois se tendre
L'arc pur de ton sourcil ;
Telle une autre Diane, si
Le trait n'était si tendre.